"QUESTION DE RACE …" ( "RACE MATTERS")

By Larry Livermore

Une fois monté dans le BART à Berkeley Centre - direction San Fransisco pour aller voir le dernier concert de Discount. Je m'assieds au fond de la rame. La seule personne à proximité est un homme, un noir américain assez âgé.

Il est absorbé par son livre et affiche l'air paisible du type insouciant de son entourage. A première vue rien de particulier ne le distingue d'une autre personne excepté ses vêtements : il porte sur lui le style de fringues que les plus cool des noirs américains portaient quand j'étais gamin. Il vous viendrait presque à l'idée que vers 1966, il avait décidé de ce qui était parfait pour lui et de ce qui ne l'était pas, et il n'avait jamais jugé bon d'en changer depuis.

Ce qui n'est pas forcément une mauvaise chose. A l'adolescence, avec mes potes je passais mon temps et mon argent à essayer de copier ces jeunes noirs du centre-ville, de la tête jusqu'aux pieds, de la coiffure Pompadour grotesque à la chaussure vernie en cuir.

Je songeais aux exploits qu'il fallait faire pour arriver à maintenir ces énormes coiffures sur nos têtes quand à l'arrêt suivant un gang de jeunes monta dans le train. En fait non pas un "gang", mais plûtot un groupe de jeunes car pour être précis, ils étaient quatre.

Peut-être avez-vous remarqué comme certaines personnes autour de vous attirent votre attention par leur simple présence et comme d'autres, par leur façon de parler, leur geste, leur expression semblent vouloir hurler " Regardez moi "? Ces gamins appartenaient à la deuxième catégorie.

Tout en arrivant dans le train ils parlaient très fort, en jurant et paraissaient manifetement ravis de l'attention qu'ils suscitaient. Chacun a sauté sur son siège en milieu de wagon et quelques personnes agées parmi les passagers paraissaient un peu nerveuses.

Mais sans plus. Les Punks sont connus depuis des années à Berkeley. Si vous montez dans le BART regardez donc vers Shattuck Avenue. Les vieux de la vieille, ceux de Berkeley, vont s'empresser de vous dire que ce ne sont pas "les vrais punks", mais aujourd'hui, un punk ne cesse de répéter qu'à part lui et ses amis personne d'autre n'est punk, alors…

Pendant un moment, j'ai pensé à leur demander s'ils étaient les légendaires et "authentiques punks", mais j'avais mieux à faire et je me concentrais sur ma lecture. A peine oubliés, je me suis aperçu qu'ils s'étaient levés pour venir s'asseoir a l'arrière du wagon. Pas très loin de moi.

En les voyant parler et gesticuler comme des gens foncièrement bruyants et odieux, je me disais que ça ne servirait à rien de tenter la conversation avec eux et j'espérais qu'on n'allait pas tous au même endroit. De toute manière ils trouvèrent quelqu'un à qui parler : le noir juste en face de moi.

"Pardon, monsieur," dit le plus jeune et le plus petit des punks sur un ton bien trop poli et complaisant, "je me demandais combien vous avez payé ces chaussures."

Il désignait des chaussures bicolores, qui étaient en réalité très cool, même si je n'aurais jamais eu l'audace de les porter moi-même. Le type parut surpris, mais il se mit à sourir, gêné et il dit , "Oh, ces vieux machins? Seulement 20 dollars au prix neuf."

Le jeune punk a ricané : "Vingt dollars? Je ne donnerais pas deux dollars pour ça." Ses potes ont gloussé puis se sont marrés bêtement.

Je trouvais ça pas très poli, mais le noir paraissait à peine dérouté."C'est bon, garcon, je ne te les vendrais pas de toute façon" puis il se replongea dans son livre.

A peine trente secondes plus tard le gamin remettait ça "Excusez moi, monsieur, où vous avez déniché ce pantalon?"

"ça ?… c'est une drôle d'histoire, il appartient en fait à mon amie. Nous avons le même tour de taille."Ce qui déclencha quelques rires supplémentaires mais ils étaient moins amicaux. Il était évident que ce gamin essayait de l'asticoter. Pourquoi, ça j'en étais moins sûr.

Ce fut ainsi jusqu'à la sortie de Oakland. Chaque fois que le type pensait en avoir fini avec leurs questions débiles et qu'il se remettait à lire, ils l'interrompaient à nouveau.

Non pas que toutes les questions étaient insolentes. Ils l'ont questionné sur son accent, car c'était un curieux mélange d'Anglais et d'Américain du sud. Il était né à la Trinité et il avait grandi dans l'Alabama. Ils avaient l'air captivés par son récit, alors il embrayait "…et donc j'étais encore un jeune homme lorsque j'ai déménagé à Chicago…"

D'une voix hargneuse un des punks lui dit "Est-ce que je t'ai demandé de nous raconter ta foutue vie?". Le noir commençait à montrer quelques signes de nervosité. Il était clair que les jeunes punks n'allaient pas arrêter de le harceller et on pouvait presque le voir compter les arrêts qui lui restaient à passer avant de pouvoir descendre du train.

Mais à ce moment là nous étions sous la Baie et aucune sortie n'était possible pendant les cinq minutes à venir. Les gosses en ont profité pour accabler un peu plus le vieux. Je me demandais si je devais intervenir, mais j'avoue que je n'étais pas rassuré. Même si j'ai cotoyé des milliers de jeunes punks depuis des années, certains très gentils et d'autres des psychopathes, ceux-ci avaient atteints le dernier stade de la deuxième catégorie, définitivement.

C'est le moment qu'a choisi le plus jeune, le roquet, pour se pencher vers lui comme pour faire une confidence et lui glisser, "c'est vrai que vous avez tous des grosses queues? La tienne est grosse comment?". Le noir semblait partagé entre la colére et la gêne. Moi c'était juste la colère. J'avais envie de claquer ce morveux mais ils étaient quatre et au moins deux d'entre eux étaient plus balèzes que moi.

J'évaluais toujours mes chances quand le gamin lui a demandé, "Monsieur, je voudrais savoir, vous avez déjà baisé une femme blanche?"

Le noir resta interloqué face au môme, et croyez moi il avait tout l'air de celui qui cogite pour donner la bonne réponse. Finalement il dit la bonne réponse, exactement celle que j'aurai dite, "Garçon, tu tiens vraiment à mettre ta maman dans cette histoire?" La réponse adéquate dans ce genre de circonstances;

Les autres jeunes punks n'ont pas pu s'empêcher de rire; l'autre, ahuri, s'est agité pour lui montrer qu'il était en colère et offensé et il dit au vieux bonhomme qu'il ferait mieux de lui donner un dollar s'il voulait s'en tirer comme ça. Il attendait que ses potes l'aident mais ils se sont levés et tirés vers d'autres places à l'avant du wagon. Le jeune punk a continué de déverser un flot de menaces et d'insultes jusqu'à ce que l'ancien quitta le train au premier arrêt à San Fransisco, tout en regardant nerveusement par dessus son épaule pour voir s'il n'était pas suivi.

 

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