Ok, arrêtons là avant que vous ne decidiez d'écrire à Maximum R'n'R pour leur demander qu'on fasse quelque chose pour combattre le racisme dans la scène punk, je peux vous rassurer, cette histoire, je l'ai inventé. C'est vrai, ça n'est jamais arrivé.

Non, ce n'est pas tout à fait exact. En réalité, ça s'est passé, mais quelques détails ont été modifiés. Premièrement, le vieux bonhomme ne portait pas ces vêtements là mais des Converse et un jean noir, un peu étroit. Autre chose, il était Blanc. Troisiémement, c'était moi.

Et les jeunes punks étaient en fait des jeunes gangstas noirs, avec la panoplie complete à 200$, les Nike et des pantalons baggy suffisament larges pour y caser en plus une partie de leur famille.

Maintenant dans un soupir de soulagement la moitié d'entre vous va me dire que vos amis les punks n'harcelaient pas vaiment cet adulte noir et sans défense ou alors vous pensez "Oh, c'est pas une affaire, Livermore, peut-être que tu paies la rançon de l'image stéréotypée véhiculée par ces jeunes noirs et la manière dont ta culture capitaliste, d'homme blanc a criminalisé et oppressé toute une génération".

"Ouais," va renchérir un autre, "comment peux tu te plaindre qu'un tel incident arrive quand ces jeunes gens doivent vivre avec le racisme, la pauvreté et l'oppression chaque jour de leur vie?"

Bon, le racisme et l'oppression, peut être, mais la pauvreté, définitevement non. Comme je l'ai dit, chacun d'entre eux portaient des chaussures qui coutaîent aussi cher que toute ma garde robe réunie. Et surtout bien qu'ils prenaient l'accent de la cité, ils ne pouvaient s'empêcher de retomber dans un anglais plus conventionel. Il était évident qu'ils étaient issus d'une classe sociale moyenne. En tout les cas, il y avait au moins une demi douzaine d'autres noirs américains dans ce wagon et aucun n'était habillé en gangsta hip hop ou bien ne s'en prenait, au hasard, aux passagers.

Voilà les pensées qui traversaient mon esprit lorsque j'apprends que les garde-fous de chez Maximum R'n'R ont dénoncé l'audace et les commentaires désobligeants de Jeff Bale envers les tenues et les attitudes des jeunes gangsta noirs. Un lecteur, dans sa lettre anonyme faisait état du "putain de racisme évidant [sic]" contenu dans l'opinion de Jeff Bale et la co-éditrice de MRR Arwen Curry était à peine plus réservée lorsqu'elle accusait Jeff de "[renvoyer] d'un revers de la main les jeunes noirs au rang d'idiots et pire encore".

Quoiqu'il en soit, l'unique "putain de racisme évident" que je vois là vient du fait de MRR,. Arwen met bel et bien dans le même panier tous les jeunes noirs comme une seule entité, et non pas Jeff. Celui-ci distingue simplement un sous-groupe culturel précis pour une critique parfaitement légitime, et pour une raison ou pour une autre Arwen interprête cela ainsi, renvoyer les jeunes noirs au rang "d'idiots ou pire encore."

Deux lectures de cette affirmation sont possibles. Soit Arwen soutient que tous les jeunes noirs portent des tenues de style gangsta et exhibent des attitudes racistes et misogynes (si c'est le cas elle ferait bien de sortir un peu plus de chez elle) ou alors elle appartient à la nouvelle école (en fait pas si nouvelle; voir la gauche des années 70) d'une identité radicale dans les opinions politiques, pour laquelle toute critique de toute personne de couleur est interprétée comme étant du racisme.

"Pour qui s'accorde à émettre sur les gens des jugements de valeurs basés sur leur tenue comment se fait il que porter ces mêmes jugements sur des gens qui se trouvent être des noirs devienne soudainement du racisme?"

Evidemment ce n'est pas du racisme que de critiquer les blancs, en tant qu'individus, groupes d'individus ou la race toute entière.Ce serait un rare cas d'exception pour un numéro de MRR de ne pas y voir quelqu'un qui peste contre les sous-groupes culturels blancs tels que les "sporteux," "frat boys," "rednecks," "gothiques," "poseurs," "bcbg," etc. etc… Un anarchiste apparemment sincère s'est même enthousiasmé sur la façon dont elle et ses amis ont encerclé et terrorisé quiconque portait un costume-cravate durant les manifestations de Seattle.

Pour qui s'accorde à émettre sur les gens des jugements de valeurs basés sur leur tenue (positifs ou negatifs : la plupart des lecteurs de MRR seraient plus enclin à établir une conversation avec quiconque s'apparente à un "punk" plûtot qu'à un cowboy) comment se fait il que porter ces mêmes jugements sur des gens qui se trouvent être des noirs devienne soudainement du racisme?

Il est certain que nous jugeons les gens sur un ensemble de valeurs et la tenue vestimentaire en fait partie. A choisir entre emprunter une rue fréquentée par de jeunes noirs avec costume et attaché-case et une rue pleine de blancs réunis en bande, la majorité des gens sains d'esprit choisiront la rue des hommes d'affaire noirs. Pareillement, s'il faut traverser une foule d'hommes d'affaire noirs ou une foule de noirs réunis en bande, nous choisirons encore les hommes d'affaires, peu importe que nous professions ou pas notre dégoût pour le capitalisme et pour toutes ses manifestations.

Nous prenons également des décisions rapides quant à notre propre sécurité voire notre vie ou notre mort basées sur l'appréciation suivante - comment une personne se met à parler, marcher, gesticuler, ou même la façon dont il ou elle nous regarde. Nous pouvons nous tromper parfois mais la plupart du temps ça se vérifie, du moins si nous vivons suffisament longtemps pour devenir familier avec notre entourage. Cela s'appelle généralement le "sens de la rue", et il est basé sur un mélange de bon sens et d'expérience.

Le racisme n'a pas de place ici. Prenons l'exemple d'un blanc raciste, il se sentira automatiquement en sécurité parmi les blancs; à choisir entre les hommes d'affaires noirs et les gangbangers blancs, il se mettra (stupidement) lui-même en danger auprès des blancs. De même un jeune noir craignant ou détestant tous les blancs pourrait choisir d'emprunter la rue où sont les gangbangers noirs plutôt que la rue des hommes d'affaires blancs. (Notez que je n'ignore pas que des hommes d'affaires commettent aussi des crimes; le fait est que généralement ces crimes ne s'accompagnent ni de vol à main armée ni d'aggression.)

En somme, j'ai énoncé jusqu'ici la simple proposotion libérale qui nous autorise à juger toute personne par son mérite individuel (ou le manque de mérite) sans tenir compte de la couleur de sa peau, mais en tenant compte de sa façon d'agir, de parler, et de se comporter en général. Comme je l'ai dit, le bon sens tout simplement.

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Tim Kerr * Interview Jeff Clayton * Interview (français) FUTURE NOW FILMS Hit List MC5 GATEWAY Jeff Clayton * Interview (english) www.mc5.org